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Compte rendu de Georges ZARAGOZA dans les cahiers nodiéristes:

« Un voyage d’mpressions(1) »

Pierre Schmidt, photographe, s’est laissé séduire par la Promenade de Dieppe aux montagnes d’Écosse de Charles Nodier. Il a donc, à son tour, entrepris une promenade, photographique cette fois, sous les mêmes cieux. Il s’agit pour lui de rendre compte, grâce à l’image, des sensations et des émotions qu’il a revécues parallèlement à celles que Nodier avait éprouvées et décrites. Deux cheminements s’entremêlent, se tressent intimement à presque deux siècles d’intervalle. « J’entrais dans les Highlands, et l’Écosse entrait dans mon coeur, à jamais » écrit Pierre Schmidt comme aurait pu l’écrire Nodier. Le livre présente une cinquantaine de photos de cette promenade, qui, toutes, sont en dialogue avec des extraits du texte de Nodier. Pas de visages, aucune silhouette humaine sur ces photos, tout y est végétal et minéral, permettant ainsi l’illusion que c’est la voix off de Nodier qui nous conduit aux rives de ces lacs ou face à ces pics, devant ces ruines bruissantes de souvenirs, sur ces landes emplies du murmure des légendes. Le choix du noir et blanc marque d’emblée la limite du pittoresque facile ; ici rien de tel, chaque photo semble contenir son histoire, qui peut bien avoir été de bruit et de fureur, mais que le photographe a suspendue, concentrée pour en préserver la force de suggestion ; qui peut bien avoir été de douce mélancolie ou de fascination morbide pour les âpres solitudes des hautes terres et les miroitements mortifères des eaux lacustres, mais dont le photographe a saisi la magie équivoque conduisant aux portes du songe. Car c’est ici la belle réussite de cet ouvrage ; loin de n’être qu’une invitation au voyage, qu’une invitation à la découverte de terres inconnues – ce qui serait en soi un objectif louable et digne d’intérêt – il nous invite à la confrontation entre une réalité géographique avérée et d’autres territoires qui nous habitent ou nous hantent. Il y a, dans la démarche de Pierre Schmidt, quelque chose qui aurait passionné Nodier, en ce que son art de la photo scrute tout autant les effets fuyants d’un ciel toujours en mouvement, que les imperceptibles oscillations des pulsions de l’âme. Ainsi la photo consacrée au Loch Lomond (page 17) est--‐elle à la limite de l’bstraction –urner ! –elle ne cherche pas à identifier, à décrire, elle se contente d’aller au coeur de la rencontre entre le lieu et celui qui le reçoit. Un art éminemment subjectif pourrait--‐on dire ? Vieux débat et probablement stérile puisqu’l est impossible de dire si la photographie épouse le regard de Nodier, celui de Pierre Schmidt ou le mien. Un livre rare, précieux qui saura trouver son lecteur par son exigence et sa force.

 

(1) Expression que Nodier choisit pour qualifier la démarche qui sera la sienne dans les Voyages pittoresques dans l’ancienne France.

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